dix ans de L'Abominable


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Cinquième séance : vendredi 16 mars à 20h30
Presentée par Martine Rousset 

De ces cinéastes au regard a l’envers, qui s’inquiètent des temps, temps rêvés, temps perdus, autres temps, temps sans noms …
mémoire … Ce qui revient, ou bien échappe, affleure ou sombre … s’établit a l’insu … ce qu’il faut doucement évoquer … ou révéler … ce qu’il faut creuser..

Tous par les chemins d’un arte povera d’aujourd’hui, sujet et mise en œuvre désacralisés de l’idolâtre industrie, le travail de film venu aux mains .
Les mains offertes au passage du langage .
Des films de « leurs mains »

Nous verrons dans les quatre films courts de la première partie :
Un garçon désemparé, a l’orée d’un désir de fiction, perdu tout au bord de ce temps indécis, d’une mer muette peut être menaçante, fatale :  Le Nageur de Cheng Chui Kuo,

 la « manière noire » d’ olam otsim de Drazen Zanchi : ôter de la noirceur plutôt que d’apporter de la lumière (depuis la nuit des temps ?) pour évoquer le modeste souvenir d’ un petit village croate mythique - sa volonté de ne rien hiérarchiser entre les images de « tous les jours »  et quelques splendeurs plastiques,

 les revenants silencieux des  Promenaux de Stefano Canapa, réminiscences poétiques d’un Paris de théâtre fantomatique et baudelairien,

les papillons noirs de  End  Memory de Pip Chodorov conjuguant une fin de partie âprement perdue … tant pis pour l’enfance ...

la deuxième partie ouvrira une page sur  les travaux de Mahine Rouhi et Olivier Fouchard,
grands archéologues des temps, visionnaires de la lumière qui en serait le souffle, alchimistes, faisant lever en des mémoires lointaines, les troublantes traces d’une antécédence de l’image ..
nous verrons le coeur battant à peine d’une parcelle de rêve disparaître, lancinant ..PTKHO,
les lambeaux déchirés et mutiques d’une si ancienne  Montagne de Lure
les temps décelés de Didam dans la fouille poétique d’une profonde émulsion de noir et de blanc
les strates d’outre-image de Tahousse ancrant l’image argentique dans sa résistance d’art mémoriel, l’insolence de sa nature d’empreinte .

                                                                                                                                        Martine Rousset


Films


Le nageur
de Cheng-Chui Kuo, 2005, 16 mm, 9’
 
Olam otsim
de  Drazen Zanchi, 2000-2005, 16 mm, 6’

Promenaux
de Stefano Canapa, 2000-2001, 16 mm, 12’ 

End memory (Impromptu)
de Pip Chodorov, 1995, 16 mm, 5’


Entracte 


PTKHO
de Mahine Rouhi, 2001, 16mm,  7’

La montagne de Lure
de Mahine Rouhi, 1997-2006, 16mm, 8’

Didam
de Mahine Rouhi et Olivier Fouchard, 1999-2000, 16mm, 11’

Tahousse
de Mahine Rouhi et Olivier Fouchard, 2001-2006, 16mm, 31’




Le Nageur
   de Cheng-Chui Kuo, 2005, 16 mm, 9’

 

Le Nageur est mon premier film en super-8, après avoir découvert une caméra aux Emmaüs de Lyon. Travailler en pellicule est un rêve pour moi. Il est encore plus intéressant de voir comment je peux faire une fiction avec cet outil. Le scénario a été écrit pour un tournage en super 8, sans son direct. Les difficultés sont présentes à chaque étape du travail, mais le film a créé  une ambiance unique, les images viennent presque comme des tableaux, et cela envoie cette histoire dans un temps indéfini, et c'est ce que j'ai voulu faire. Je pense que ma réflexion artistique a été plus profonde grâce à ce travail en pellicule. Grâce à cette expérience, j'ai décidé de mettre plus en avant la qualité d'image de super 8 dans mon prochain film. Cette matière me fait encore plus rêver qu'avant.

Cheng-Chui Kuo

 

Olam otsim 
   dDrazen Zanchi, 2000-2005, 16 mm, 6’

 

Le film montre ce que Sibe Silich, un habitant de Stari Grad, pense dans sa tête. Stari
Grad est la ville Grecque antique de Pharos, sur l' île de Hvar en Croatie.

Stari Grad est en effet « Malo  Misto » (petit village), la série télévisée culte en Croatie, à l'époque la Yougoslavie, dans les années 1960 : une glorification remplie de pathos des petites gens.

Olam  Otsim est Malo  Misto transposé dans un nouvel espace.

Le film est  silencieux ou bien les musiciens jouent dans la salle et j’assiste à la projection.

Drazen Zanchi

 

Promenaux
   de Stefano Canapa, 2000-2001, 16 mm, 12’ 

 

C'est d'abord une prise sur le réel, des jeux de regards dans une foule anonyme. Puis le crépuscule, une nuit étrange, les mots de Rimbaud: la recherche sur l'image devient prépondérante. Au réveil, on découvre ainsi un « réel merveilleux », un espace sans repères, fluctuant et trempé dans le rêve.

« J'ai apprécié ce parcours, quasiment une dérive dans Paris avec l'irruption de temps suspendu mais aussi des moments tellement imbibés de cinéma. Des plans parfois ressurgissaient, évoquant des souvenirs d’un cinéma moins expérimental. J'ai apprécié cette oscillation entre l’aspect documentaire et une intimité faisant irruption, mais jamais ostentatoire. Rimbaud m'a plus surpris ; le texte tout au moins. Il y a une élégance dans la retenue, une fascination pour des actions et des comportements qui n'ont d'autre nécessité que leur présence. »  (Yann  Beauvais)

stefano canapa

 

End memory (Impromptu)
   de Pip Chodorov, 1995, 16 mm, 5’

 

C'est mon premier film en 16mm, mon premier départ avec la Bolex, après tant d'années de Super-8. Un nouveau début. Alors que ça parle des fins. Des fins et de la mémoire, la fin d'une époque. Je filme pour m'en souvenir : la fin d'un été, la fin d'une famille, notre dernier voyage dans le Vermont avant la séparation, mes grands-parents qui vieillissent. Je filme de manière impromptue, faisant des fondus enchaînés dans la caméra. Quarante-huit heures, soixante mètres, deux bobines. Je garderai tout. Je compose le film soigneusement pendant le week-end, sachant que chaque photogramme compte, je n'en ai que 7920, je n'en couperai aucun. Les fondus et les surimpressions m'empêcheront de toute façon. Je dois réfléchir en filmant. Ca doit faire un film.

Je voulais capter la vie quotidienne, anodine, la famille qui bientôt n'en sera plus une. Je voulais capter les choses telle qu'elles étaient, pour les figer, pour moi, pour toujours. Mais où sont mes émotions ? Je les enfouie bien en profondeur dans mon ventre. Lœil froid de la caméra enregistre tout, mais moi je suis absent, j'ai toujours fait un cinéma oculaire, rétinal, mes tripes ne sont pas là. Comment les intégrer dans mon film ? C'est la nuit où elles sortent, de par mes mains, en attaquant cette pellicule mouillée, mètre par mètre, tard dans la nuit. Quatre heures dans le noir, soixante mètres développé dans un broc dans la baignoire, de manière sauvage, de manière violente. Je vois apparaître des taches, des traces et des trous. Enfin ! Quelque chose de personnel ! Cette fois, c’est un film.

C'est une improvisation inachevée, non montée, développée à la main à la maison. Le négatif, plié sur lui-même dans le broc, n'a pas été complètement immergé dans le révélateur, laissant des trous blancs de pellicule sous développée (comme les bouts de toile blanche de Cézanne). Comme le film documente le dernier week end avant la séparation d'un couple, un film de famille sans famille, ces taches jouent sur l'absence, le manque, la lacune, l'imaginaire, le souvenir, le mémoire, la nostalgie, etc. L'image même est alors 
« inachevée », comme dans la mémoire ou le rêve, rendue abstraite. La bande sonore est enregistrée à la maison aussi, c'est moi qui joue, sans répétition et sans mixage. La musique, des variations impromptues sur un thème original, utilise des harmonies mineures et dissonantes pour s'accorder avec l'image tachée et fade. Je l'ai terminé pour le 90ème anniversaire de mon grand père Matthew qu'on voit dans le film. Il est né en 1905, mort en 2004.

Pip Chodorov

 

PTKHO
   de Mahine Rouhi, 2001, 16mm,  7’

 

« Echappés d’un rêve au ras du sol, les phénomènes d’une poésie sonore s’éloignent jusqu’à disparaître. »

Olivier Fouchard

 

La montagne de Lure
   de Mahine Rouhi, 1997-2006, 16mm, 8’

 

Images « crades ». Super 8. Paysages et délicieuses abstractions. Images filmées en 1997 par Mahine Rouhi, cadrées à la façon d'un photographe puis développées artisanalement, dans l'urgence, au laboratoire improvisé « Le Métronome » (Marseille). Gonflage à L'Abominable, en 16mm, en 2006.

 

Didam
   de Mahine Rouhi et Olivier Fouchard, 1999-2000, 16mm, 11’

 

« Qui est parvenu, ne serait-ce que dans une certaine mesure, à la liberté de la raisonne peut se sentir que voyageur, pour un voyage qui toutefois ne tend pas vers un but dernier: car il n'y en a pas. » (Nietzsche)
 
« Une forme surgissant de la matière cinématographique arpente des sentiers de montagne. Irruption singulière qui disparaît et se fond dans la nature et dans sa représentation. Il n'y a plus de séparation, ou si peu, entre l'être et le monde, pourtant irréconciliables. La voix se tend, elle devient cet arc entre la nature et le personnage qui semble faire remonter à la surface de l'écran des éclats cinématographiques à jamais oubliés. Le film de Mahine Rouhi convoque d'autres temps qui inscrivent le passage d'un état (psychique, physique) à l'autre. Ces changements s'inscrivent selon des vitesses différentes, sur des émulsions distinctes selon des traitements variés. La plasticité qui en résulte n'est pas la moindre qualité de ce film qui renoue avec le cinéma mytho-poétique. » (yann beauvais)

 

Tahousse
   de Mahine Rouhi et Olivier Fouchard, 2001-2006, 16mm, 31’

 

Le film TAHOUSSE d’Olivier Fouchard et Mahine Rouhi est une œuvre magnifique et nécessaire.
C’est une histoire de paysage , et l’inverse aussi pourtant.
C’est dans les Alpes, au Kurdistan ou en Tchétchénie, aussi, peut-être en filigrane ..

(...)

« ..les avions sont en haut du ciel .. »
dit la voix comme d’enfant


Des images brutales, rugueuses, crues, portant haut un lyrisme abrupt -premier- au plus loin des raffinements vulgaires des formalismes virtuels
cependant,
montées impeccablement en fragments secs, précis et comptés, cernés de ténèbres en une construction sculpturale au cordeau.

L’ombre de KLEIST passe encore-

Des images brutales, rugueuses et crues portant haut l’outil qui les créent, l’outil qui prolonge cette main que l’on voudrait bien nous couper, les gestes de les faire ces images là, apparues, visibles : enrouler sur la spire, développer, faire chauffer les bains, les sels dissous,
sécher, tirer .. un travail de prolétaire .

..Quelques coins bleutés de rivières cachée,
de fleurs abreuvées,
l’apaisement froid d’une eau qui va ..

-NOIR-


(...)

TAHOUSSE ouvre ses chemins à revers : il coupe à travers bois, à travers champs, sans se préoccuper des bonnes manières. Ses images figuratives à la physique et aux mat érialités chimiques signifiantes brusques et sauvages, leur composition en fragments aux temporalités sans pathos : le temps de la matière travaillée, leur montage sans aucune virtuosité, mènent au plus juste ce que le cinématographe, cette invention si jeune, est d’art de l’empreinte, de la lumière et du récit.

Les cinéastes ouvrent le document, et fouillent sa matière pour en extraire la mémoire vive inscrite dans ses strates les plus profondes, le document comme gisement, et le gisement comme récit.

Martine Rousset

 

 





Ciné 104
104, av. Jean Lolive à Pantin
Métro Eglise de Pantin

Entrée 5 euros.
Venir à trois séances donne le droit à une entrée gratuite pour une séance suivante.
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