Troisième
séance : mardi 19 décembre à
20h30
Presentée par Nicolas Rey
Pour
présenter cette séance tout en
détours, on donnerait un extrait d'un texte à
venir à propos de Tahousse
de Mahine Rouhi et Olivier Fouchard et Istanbul de Martine
Rousset :
« Ainsi, dans Tahousse,
c’est la rigueur du montage, la parcimonie de la voix off, le
sens du temps. Dans Istanbul,
c’est comme une
réduction du cinématographique à
l’essentiel : défilements de vitesses,
fluctuations, jets de lumière : le film comme
derviche tourneur. La spirale d’Istanbul et le
polyptyque irrégulier de Tahousse.
Et finalement, le cinémachiche !,
c’est la possibilité du surgissement. Un
cinéma désapeuré
dans le sens où sont évacués le faire
« joli » de l’amateur,
le faire « propre » du
professionnel, le faire « neuf »
de l’artiste. L’image sortie de chimies plus ou
moins appropriées et de pellicules improbables, hors
d’âge ou bien utilisées à
rebrousse-poil, des méthodes de refilmage pas canoniques,
tous les diaphs à la fois, le son en égal de
l’image, non assujetti et libre de ses mouvements, la
possibilité du sens mais aussi celle du mystère,
autant d’interstices, de béances plutôt
d’où peut jaillir l’inattendu,
l’inédit, l’inouï.
C’est une possibilité venue des profondeurs. On
laisse des fins de bobines, des esquisses, ce n’est pas par
sentimentalisme, c’est que tout est rythme, pulsation,
potentialité. Istanbul
et Tahousse
sont des films parfaitement volcaniques et cette
intranquillité n’est pas sans
résonances. Pour autoriser de telles éruptions,
il ne faut pas de service d’ordre. »
Et
l’on ajouterait que ce soir, Istanbul sera
précédé d'une (triple) giration-flash
d'Anne Fave et Emmanuel Carquille alias La Destination,
l'histoire de
se mettre en œil, comme on dit se mettre en jambe, et
d’avoir un aperçu du travail de ces deux artistes
trop discrets qui accompagnent L’Abominable depuis le
début de l’aventure. Aussi parce que le bricolage,
c’est-à-dire le faire-sien de la technique sans
l’appui de la science est tout autant au cœur du
projet poétique des laboratoires
cinématographiques d’artistes que des deux
œuvres de ce programme. J’ouvre Littré :
bricoler, « jouer de
bricole » ou « n’aller
que par bricole », c’est
« aller par des voies obliques, user de moyens
détournés, du tour et détour des
choses, causé par les résistances
qu’elles rencontrent dans leur
mouvement. »
Nicolas Rey
Note : Tahousse
sera projeté lors de la
séance « dix ans de L'Abominable » du 16
mars.
Films
Image flottante
La Destination (Anne Fave et Emmanuel Carquille), intervention
Istanbul
de Martine Rousset, 2006, 16 mm, 100'
Image
flottante
La
Destination (Anne Fave et Emmanuel Carquille), intervention
A 3600
tours minute, créer une image virtuelle et stable sur un
écran inexistant, fait d'un passage temporel d'une fraction
de seconde dont la récurrence crée une
stabilisation dynamique.
Un « étant- là »
dans la disparition. Un plein
d'absence…
La fragilité de la vitesse.
La Destination (Anne Fave et Emmanuel
Carquille)
|
Istanbul de Martine Rousset,
2006, 16 mm, 100'
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ISTANBUL SITE DU TEMPS
Au fil de mes déambulations, Istanbul le
demeure, «
énigmatique et sans secret, loin des
visibilités dominantes »
(M.-J. Mondzain). Tout est
mêlé, tout est là, non pas en strates
organisées, protégées,
conservées, architecturées, mais en
amoncellements, usures, effacements, vides et chaos.
Jardin sauvage, ici, le cycle de la vie et de la mort.
Rien n'est détruit, tout vit, s'use, meurt et continue.
L'horloge, le Bosphore.
Ce que cette ville est de passage et de temps allant, nous laisse
percevoir, comme nulle part ailleurs, quelque chose de l'infini, (pas
de l'éternité, qui est fixe) de l'incessant
où se mêlent les temps, en flux apparaissant et
disparaissant, la présence d'autres temps, à
l'orée du visible,la petite fille en rouge passerait tout le
temps et pour tout le temps, tout serait là, tout le
temps…
Elle est aussi un livre ouvert, qui s'écrit, s'efface, une
mémoire alluvionnaire qui produit du signe, de la trace, de
l'oubli, dans cette nonchalance inquiète et
élégante, elle est aussi l'inverse, une
rêverie du temps, une invention borgésienne, un
mirage métaphysique, tout comme Jean Seberg était
un mirage de cinéma dans Les hautes solitudes
de Philippe Garrel.
Le film est un document qui se préoccupe de cela, le temps,
la mémoire, le lieu. Il en est le voyage, aller
avec… Il n'est à aucun moment un commentaire,
encore moins une expérience plastique. Derrière
tout cela, il y a mon intérêt pour la
qualité iconique de l'image argentique photographique et
cinématographique : sa capacité à se
laisser traverser, à lier le visible et l'invisible, de par
sa nature d'empreinte.
M. Rousset
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Ciné 104
104, av. Jean Lolive à Pantin
Métro Eglise de Pantin
Entrée 5 euros.
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une entrée gratuite pour une séance suivante.
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