Cinquième
séance(s)
jeudi 26 et vendredi 27 avril à 20h30
Presentées par Martine Rousset
Aller voir ailleurs si j’y suis
Voyages
Deux voyages , deux films :
Le premier au loin , ailleurs : les soviets.
Le second ici , les alpes
, dans les montagnes
profondément enneigées : schuss!
Un voyage horizontal a l’autre
bout du monde , Russie ,
Tchernobyl , Sibérie ,
jusqu’à Magadan - goulag , pas
à pas dans la trace des
déportés ,
outre tombe , outre monde .
Pas a pas sur le tissu
cicatriciel de l’histoire : pays
ravagé , images arrachées ,
beaucoup de noir . Y a rien a voir .
Et puis il s’agit d’y être , pas d’y voir …
Dans quel état l’ailleurs ?
Puis un voyage immobile - montagne
originelle sûrement – d’où
on est - on
creuse . Pour voir au fond . Une
vallée industrielle à l’agonie .
On creuse l’histoire locale , une
histoire de travail , pas à
pas là aussi ,
qui devient peu à peu le
point de départ et
d’arrivée de l’histoire tout
court , le point de non retour
où ça tourne court ,
le point d’enlisement du sens
et du temps des hommes
dérisoires.
Sublime fin de film où
sombre le temps comme un cargo
trop lourd , dans une neige sale .
Dostoievski , on y pense ..
Dans quel état ici ? pareil .
Aller-retour implacable .
Deux portraits de l’état du
monde , deux portraits qui ne
vont pas l’un sans l’autre .
Aussi , dans quel état le
cinématographe ? Raclant
, terne , ancré ,
terriblement résistant .
Deux films majeurs , indispensables
à ce qu’il reste
de nos regards sur le monde .
Martine Rousset
Films
jeudi 26 avril à 20h30
Les soviets plus
l’électricité
de Nicolas Rey, 2001, 16 mm, 175’
vendredi 27
avril à 20h30
Schuss!
de Nicolas Rey, 2005, 16 mm, 123’
Les soviets plus l'électricité
de Nicolas Rey, 2001, 16 mm, 175’
Tu penses peut-être
que ce n'est pas de mon âge
Mais c'est très rare que j'ouvre mon cœur
Je vais te raconter Magadan
Ecoute !
J'ai vu la baie de Nogaïsk et les grands chemins
Si je suis parti là-bas, ce
n'est pas sans rime ni raison.
V. Vissotski
Ainsi, cahin-caha, le film
traverse la Russie en diagonale, la Russie géographique
et pourrais-je dire, la Russie en
moi. A quoi servirait un voyage s'il n'y avait l'espoir de revenir différent ?
Le projet peut sembler romantique, voire touristique, et
j’espère que cette écueil est tenu
à distance par la structure formelle du film.
Néanmoins, les ressorts historiques, politiques,
personnels, etc. du voyage sont peu à peu
dévoilés. Notre époque manque d’ « ailleurs » et il est bon de se
souvenir qu’il fut un temps où les hommes ont prétendu
construire une société sur des bases
radicalement différentes de l’existant. Sans
angélisme pourtant : Magadan où l’on va
fut fondée en 1941 pour exploiter les mines
d’or de la région avec la force de travail du
Goulag. C’est la Kolyma de Chalamov et de milliers
d’autres. Mais pas besoin non plus d’en rajouter
dans le sordide : on ne verra pas de
mirador, les camps sont depuis longtemps devenus de petites villes qui ressemblent
à toutes les autres villes industrielles de
l’ex-URSS. C’est plutôt cela qui est
effrayant, une société entière
bâtie sur différents degrés d’asservissement -
ça nous rappelle la nôtre.
Et au XXème
Siècle, l’auxiliaire favori de
l’asservissement, c’est la science. Si la
croyance dans la technologie salvatrice de
l’humanité est loin d’avoir
cessé avec le siècle, tout de même, il ne viendrait
à l’idée de personne de soutenir que le
néolibéralisme est une science. Le socialisme
bureaucratique, lui, se targuait d’en être une, et
finit par nier l’humain
qu’il prétendait vouloir « changer ». Face à cela, le super-8 soviétique
périmé, le son dictaphone
enregistré sur place, le développement
à la main, bref la fabrication artisanale du film, c’est une manière d’utiliser des moyens techniques sur lesquels on peut
avoir prise, sans être en position de maîtrise absolue. A
cet endroit, le corps à corps avec la technique est encore
possible dans un rapport équitable, où les contraintes
peuvent donner des idées et où les imperfections du
support nuisent à sa pseudo-transparence. Cela peut
paraître paradoxal, mais, l’histoire du cinéma
expérimental prouve que désigné clairement comme
tel, le support-film peut permettre ce pas de recul qui libère
la réflexion et l’imaginaire. Et vous direz que je suis un
super-huitard, voire un super-huitard attardé, mais il me semble
que ce bricolage avec des procédés vieux d’un
siècle laisse plus de place à cette part de réel
qui résiste à la rationalisation et que certains
s’obstinent à appeler poésie.
Ma position n’est guère savante mais elle essaie
d’être sensible. « Simple piéton » au
beau milieu de la superstructure, je me promène avec ma
caméra et mon dictaphone, tandis qu’un certain Vladimir
Poutine devient Premier Ministre, qu’ont lieu les attentats dits
de Moscou et que les soldats partent chaque jour plus nombreux vers une
petite république du Caucase que certains avaient
déjà visité - les plus perspicaces apercevront
quelques uns d’entre eux sur le tarmac de l’aéroport
de Magadan, à la toute fin de film. En rentrant, j’ai
écrit au journal Le Monde au sujet de la
Tchétchénie. Seul résultat tangible : quelques
jours plus tard, j’ai reçu une offre d’abonnement.
Finalement, quoi de plus naturel, pour un empire, que de guerroyer
à ses confins dans une contrée dont ses soldats ne
connaissent ni la langue, ni les coutumes. Les discussions avec les
personnes rencontrées lors du voyage ne m’avaient
guère laissé l’espoir d’une protestation
massive. La suite fut à la hauteur.
Nicolas Rey
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Schuss!
de Nicolas Rey, 2005, 16 mm, 123’
une tempête s'est levée venant du paradis
elle a gonflé les ailes déployées de l'Ange
et il n'arrive plus à les replier
cette tempête l'emporte vers l'avenir auquel l'ange ne cesse de tourner le dos
tandis que les décombres
en face de lui montent au ciel
nous donnons nom de progrès à cette tempête
walter n'a pas supporté
à Port-bou
le progrès s'est arrêté
aux ouvriers allemands prisonniers
qui ont fabriqué des armes pour tuer leurs frères
aux fiancées baguées d'aluminium
aux obus résistants qui choisirent de ne pas
qui est responsable ?
le skieur à cagoule rouge
a-t-il tué le mulet
le dernier mulet
la patineuse exécute des figures
les pantins accoutrés habitent l'espace blanc
à l'aise Blaise
comme dans les films de science-fiction
comme dans les publicités
ça fait effet
muet
de 1 à 10
dans le désordre
et on recommence
les faits sont là
grève de 38
en tant qu'Ami et Patron je compte sur vous
bauxite
électricité
machines d'eau
barrages
les gamins de 23 ans
les américains savent y faire nous
avons les colonies
le monde est à nous
le monde blanc
tout est à prendre
apprendre sauvage ce que dompter veut dire
pourtant que la montagne est belle
comment peut-on s'imaginer
dansent les chiens
dansent
le chien gelé de Nanouk
impassible dans le souffle glacé
Nanouk a t-il été payé en poisson ?
glissent encore les ombres
Kellerleleux dans sa carte postale
je vois l'usine
le pont
l'escalier russe
d'ici
là
mieux
on voit moscou
Nathalie Nambot
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Ciné 104
104, av. Jean Lolive
à Pantin
Métro Eglise de Pantin
Entrée 5 euros.
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